Nous ne reviendrons pas sur ce nouvel échec américain dont les conséquences seront lourdes à porter pour plusieurs dizaines d'années.
Rappelons-nous qu'aucun envahisseur extérieur n'a jamais réussi à dominer l'Afghanistan : ni les anglais en 1919, ni les russes en 1979, ni les coalisés autour de l'Amérique après 2001. Les afghans, quelque soit leur bord, ne sont pas des soldats - ils privilégient la fuite à toute forme d'engagement intense - mais excellent dans la guerre de guérilla, surtout à trente contre un. Les américains n'ont pas retenu les leçons de 1975 au Viet-Nam (et d'autres plus anciens - même dans la France de 1940, en Indochine, en Algérie, en ex-Yougoslavie etc etc etc et maintenant dans la bandes sahélo-saharienne). Instruire et équiper même de neuf une armée du tiers-monde, ça revient juste à augmenter les possibilités de l'ennemi en hommes et en matériel. La guerre asymétrique ne se gagne pas avec des moyens conventionnels quels que soient leur importance. Mao l'écrivait déjà... Il a suffi aux talibans de promettre l'impunité aux déserteurs et autres supports de l'ancien régime pour gagner sans presque combattre.
(© CNBC)
Dans la débandade ambiante, les insurgés vainqueurs récupèrent quelques tonnes de matériel militaire et d'armement. Pour les armes légères et les pick-ups, ça ne change pas grand'chose, ils avaient déjà. Pour les matériels plus sophistiqués, ces derniers ne devraient pas voler ou rouler bien longtemps faute de savoir les manier et les maintenir en condition opérationnelle sans pièces détachées. Ce sont juste quelques tas de dollars partis en fumée au profit plus du complexe militaro-industriel que de l'ennemi.
Il n'en est pas de même pour les systèmes informatiques, et notamment les systèmes de traçage biométriques et les fichiers de personnes : là, les talib's savent faire - il suffit de mesurer leur efficacité en communication sur les réseaux pour s'en faire une idée.
Notre confère DATANEWS le précise dans cet excellent article, nous citons :
"Les Afghans effacent rapidement leurs traces numériques, à présent que les données publiques tombent entre les mains des Talibans
En Afghanistan, on craint que les instances publiques et les organisations d'aide ne parviennent pas à sécuriser à temps les bases de données. Il en résulterait que les citoyens seraient vulnérables aux attaques des Talibans.
Des milliers d'Afghans, qui tentent de mettre les membres de leur famille en sécurité, après que les Talibans aient repris le pouvoir dans leur pays, ont un souci supplémentaire: leur historique numérique et les bases de données biométriques récemment créées pourraient servir pour les détecter et les arrêter.
Le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, a mis en garde contre les restrictions 'préoccupantes' des droits de l'homme et contre les injustices faites aux jeunes filles et aux femmes. Chez Amnesty International, on déclarait lundi que des milliers d'Afghans - parmi lesquels des académiciens, des journalistes et des activistes - courent 'de graves risques de représailles de la part des Talibans', malgré les paroles apaisantes tenues par le groupe fondamentaliste." (...)
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Les autorités américaines feraient sans doute bien de pirater leurs propres systèmes à distance pour en effacer tout contenu. Ils ont les codes, cela ne paraît pas bien difficile.
Pour les jeunes afghans qui ont posté des textes, images et des goûts musicaux sur les réseaux sociaux, lesquels sont devenus brutalement politiquement incorrects, il ne leur reste plus qu'à effacer un par un leur contenu et supprimer leurs comptes de leurs appareils susceptibles d'être saisis par la police religieuse et de les mener à la prison, à la torture ou au peloton.
Pauvre pays.
Mais cela donne à réfléchir : si un jour nos propres systèmes et nos bases de données, conçues à l'origine dans un but plus ou moins vertueux, tombent entre des mains de dirigeants hostiles... A vos claviers, nettoyez, nettoyez ! (le contenu restera cependant à Mountain View, Redmond ou Menlo mais c'est mieux que rien).