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mardi

Le F35, succès commercial et galère technologique

Le F-35 a un gros, gros problème de réacteur. Quand on en a qu'un, c'est embêtant.

(photo tirée de Menahem Kahana / AFP)

(Repéré par Thomas Burgel sur Bloomberg)

Nous rapportions, le 30 juin dernier, que le Government Accountability Office (GAO), sorte de Cour des comptes américaine, avait publié un rapport assassin, titré «Air Force and Navy aviation: Actions Needed to Address Persistent Sustainment Risks», expliquant que des centaines d'avions américains n'étaient pas prêts à mener une guerre.

Bloomberg s'est intéressé de plus près à un nouveau rapport du GAO, qui se penche cette fois-ci spécifiquement sur les écueils du F-35. Le programme, s'il fonctionne surprenamment bien à l'export, grâce à la puissance politique et commerciale des États-Unis, est horriblement coûteux et souffre d'un nombre de problèmes –parfois sérieux– tout à fait ahurissant.

Selon le GAO, l'un des soucis les plus importants que rencontre et rencontrera le F-35 dans les années qui viennent tient à son réacteur. Fourni par Pratt & Whitney, filiale du géant Raytheon Technologies, il est beaucoup plus complexe en maintenance qu'initialement prévu, ce qui pourrait clouer au sol un nombre trop grand d'aéronefs de la flotte mise en service.

Ces problèmes ne sont pas nouveaux: des pénuries de pièces plombent le F-35 et ses réacteurs depuis longtemps. Mais ce récent focus du GAO sur ce qu'elle juge être un raté logistique majeur ne tombe pas à n'importe quel moment.

Car alors que 820 aéronefs ont déjà été livrés dans le monde, sur un potentiel fixé à 3.000 pour les États-Unis et ses alliés (la Suisse, la Grèce, l'Allemagne ou la Finlande font partie des acquéreurs les plus récents), Lockheed Martin et le Pentagone sont en pourparlers pour fournir, aux forces américaines, 375 engins supplémentaires sur trois ans.

Faramineux

Cet entêtement à acheter des F-35 en grand nombre peut surprendre, le GAO pointant les coûts faramineux de maintenance de l'appareil, en particulier dus aux problèmes entourant son réacteur. Le Pentagone a ainsi toutes les peines du monde à rester dans les clous financiers du programme, dont le coût a d'abord été estimé à 1.300 milliards de dollars sur les soixante-six ans de sa durée de vie.

Le prix de la fourniture et de la maintenance du réacteur de l'avion pourrait atteindre le milliard de dollars dès 2028, contre 315 millions l'an passé. C'est colossal, mais cela semble insuffisant: depuis 2020, «un nombre croissant de F-35 n'ont pu voler du fait du manque de réacteurs opérationnels», cingle le Government Accountability Office.

Prenant acte du rapport, les responsables du programmes admettent le problème et la nécessité de travailler ardemment pour lui trouver une solution. Selon eux, le souci ne vient pas d'un défaut de conception, mais d'un matériau recouvrant les pales de la turbine du moteur.

Il «se dégraderait plus vite que prévu», en particulier pour les aéronefs opérant dans des environnement poussiéreux –on rappelle qu'Israël, pour ne citer que lui, opère des F-35 dans ses déserts et fait sans doute aussi partie des victimes du problème.

Malgré quelques bisbilles entre le Pentagone et Lockheed Martin sur qui devra régler les centaines de millions de dollars de surcoût, il semble néanmoins y avoir quelques progrès: le nombre de jours nécessaires pour une réparation est tombé de 207 en octobre 2020 à 119 en janvier 2019, et le revêtement fautif est systématiquement remplacé par un autre –semble-t-il plus résistant.■

Lire ici l'article de Korii
Et regardez ici la vidéo de l'avis d'un pilote de chasse expérimenté.

lundi

Eurosatory, c'est fini. En attendant LE BOURGET 2023, AEROSUD se positionne en alternative

  AEROSUD

Le salon des professionnels des filières Aéronautique, Spatial et Défense

Mardi 5 juillet à Istres (13)

 

 

Le pôle de compétitivité SAFE et le magazine Air&Cosmos ont créé avec le soutien de la Région Sud, le Salon AEROSUD fédérant les acteurs des filières Aéronautique, Spatial et Défense, avec une mise en lumière au niveau national de l’écosystème de la Région Sud. Son ambition est de devenir un rendez-vous régulier les années paires, en alternance avec le Salon du Bourget.

 

La 1ère édition du salon AEROSUD organisée en novembre 2021, a été l’occasion de réunir plus de 30 exposants, 50 intervenants et 300 représentants étatiques, académiques et industriels, autour des enjeux des marchés de demain de ces filières.

 

Fort du succès rencontré, la Région Sud renouvelle sa confiance et soutient à nouveau le pôle SAFE et le magazine Air&Cosmos, dans l’organisation d’une seconde édition, qui sera co-organisée et accueillie par le Pôle Aéronautique d’Istres Jean Sarrail, la Base Aérienne 125 et l’Armée de l’Air et de l’Espace, le mardi 5 juillet 2022.

 

Le salon AEROSUD est un évènement professionnel à destination des acteurs industriels, académiques, institutionnels, structures d’aide au développement/financement... Il bénéficie d’un appui industriel et institutionnel fort avec la présence déjà confirmée des partenaires de la Cellule Régionale Aéronautique (Région Sud, DREETS PACA, GIFAS, UIMM Alpes Méditerranée), des partenaires du pôle d’innovation de Défense NovAero (DGA-EV, ALAT, AIA de Cuers, CEAM, GAMSTAT, CIEH, Ecole de l’Air et de l’Espace, CEPA et ALAVIA) ainsi que des acteurs majeurs des filières concernées tels que AIRBUS Helicopters, THALES ALENIA SPACE, THALES AVS, SAFRAN, DASSAULT.

 


Chiffres clefs

-          Exposition de +80 structures 

-          5 Pavillons :

o   Pavillon Start-up by Crédit Agricole Provence Alpes

o   Pavillon de l’Armée de l’air et de l’espace

o   Pavillon NovAero

o   Pavillon Emploi & Attractivité

o   Pavillon des Hautes-Alpes

-          500 participants attendus lors des différents temps forts de la journée

-          6 tables rondes pour traiter des actualités des filières concernées (Aéronautique, Défense, Spatial, Drone)

-          Une trentaine d’intervenants

-          Une vingtaine de démonstrations statiques et aériennes, organisées par la Base aérienne 125 d’Istres

 

La date limite des inscriptions pour les visiteurs professionnels est fixée au 20 juin 2022.

 

En savoir plus : Site du salon : https://aerosud.safecluster.com

 

vendredi

Tout doucement, le Rafale s'impose comme alternative opérationnelle face aux F35

 

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COMMUNIQUÉ DU MINISTÈRE DES ARMÉES




                                                   Paris, le 10 février 2022


42 Rafale pour l'Indonésie



La ministre des Armées s'est rendue à Jakarta du 9 au 10 février 2022. Ce déplacement s'inscrit dans le cadre d'échanges particulièrement denses depuis deux ans et démontre l'importance de la relation bilatérale entre la France et l'Indonésie.

La ministre s'est entretenue avec le Président de la République d'Indonésie Joko Widodo, le ministre de la Défense, Prabowo Subianto et avec la ministre des Affaires étrangères Retno Marsudi. Avec ses interlocuteurs, Florence Parly a évoqué la situation régionale et les convergences d'appréciation entre les deux pays. Liées par un partenariat stratégique depuis dix ans, la France et l'Indonésie ont vu leurs relations s'intensifier et se diversifier autour de projets mutuellement bénéfiques. Les entretiens ont également été l'occasion d'échanger les points de vue des deux pays sur les questions de sécurité régionale et internationale dans l'optique de contribuer conjointement à la préservation de la paix.

Le déplacement de la ministre des Armées a été l'occasion d'officialiser l'acquisition par l'Indonésie de 42 avions de combat Rafale, après plusieurs mois de négociations dans un contexte particulièrement compétitif. Cette acquisition sera pleinement confirmée lors de l'entrée en vigueur du contrat, à l'issue du processus administratif indonésien. Les avions livrés seront neufs, directement issus de la chaîne de production de Dassault Aviation en France. Ce contrat historique avec l'un de nos partenaires majeurs en Asie du Sud-Est confirme une fois de plus la reconnaissance dans le monde de l'excellence française en matière d'armement. Avec l'Inde, l'Indonésie est le deuxième pays de la zone Indopacifique à avoir choisi le Rafale, portant à 7 le nombre des pays acquéreurs en plus de la France (Qatar, Égypte, Inde, Grèce, Croatie, Émirats arabes unis et désormais Indonésie). Par sa polyvalence et son fort potentiel d'évolution, le Rafale, avion de combat français omnirôle en service opérationnel dans nos forces, a démontré ses capacités au combat et répond parfaitement aux besoins actuels et futurs de l'Indonésie.

La ministre des Armées, Florence Parly, s'est félicitée du choix de l'Indonésie en faveur du Rafale pour moderniser sa flotte d'avions de combat : « Ce choix illustre la vigueur du partenariat stratégique entre nos pays. L’Indonésie est une puissance régionale majeure dont l'influence est amenée à se renforcer. La France, nation de l'Indopacifique, se réjouit de pouvoir l'accompagner dans son développement capacitaire et industriel, et de contribuer à la doter des meilleurs outils pour assurer la surveillance et la protection de ses espaces aériens et maritimes. »

Cette visite a plus généralement été l'occasion de témoigner de la volonté française de contribuer aux grands programmes stratégiques indonésiens et de participer au développement d'un tissu industriel fort dans le domaine de la défense. Les échanges ont confirmé les perspectives de synergies entre nos forces armées grâce à l'acquisition de matériels communs ainsi qu'à travers l'organisation d'exercices conjoints ou encore d'escales de nos moyens. L'implication et les préoccupations communes de nos deux pays à l'égard des questions de sécurité dans l'ensemble de l'Indopacifique justifient pleinement le développement des liens entre nos deux pays dans le domaine de la défense et de la sécurité.

Discours de Florence Parly, ministre des Armées, lors de la 14ème Conférence spatiale de l’Union européenne

 


DISCOURS

DE FLORENCE PARLY, MINISTRE DES ARMÉES



                                                 Paris, le 27 janvier 2022


Allocution de Florence Parly, ministre des Armées


Vous trouverez ci-joint le discours de Florence Parly, ministre des Armées, lors de la 14ème Conférence spatiale de l’Union européenne, prononcé à Paris le 25 janvier 2022.

 

Seul le prononcé fait foi.




Chers collègues,

 

C’est un plaisir de participer à cette conférence spatiale de l’Union européenne, tout particulièrement cette année, car les questions de sécurité et de défense y sont mises à l’honneur.

 

L’espace est au cœur des priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne dans le domaine de la défense. Et pour commencer j’aimerais donc répondre à une question simple : pourquoi faire du spatial militaire une de nos priorités ? Il y a deux raisons à cela :

  1. La première, c’est que l’espace exo-atmosphérique est essentiel à notre quotidien. Un smartphone fait appel chaque jour à des dizaines de satellites, selon les applications sollicitées. Et je ne parle pas du quotidien de nos soldats. Communiquer, observer ou se géolocaliser par satellite, ce sont des actions indispensables à la conduite des opérations militaires.
  2. La deuxième raison découle en quelque sorte de la première : lespace devient un lieu de compétition stratégique. Dans ce domaine, nos compétiteurs stratégiques renforcent leurs capacités militaires : en 2021, la Chine a réalisé en moyenne un lancement par semaine. Maîtriser l’espace, c’est avoir un avantage opérationnel décisif, c’est aussi pouvoir garantir à tous l’accès à des services du quotidien.

 

Or, nous observons récemment un accroissement des tensions dans l’espace, qui se traduit par des comportements basés sur l’ambiguïté, l’intimidation ou la déstabilisation visant à restreindre, voire interdire, l’accès et l’usage de l’espace extra-atmosphérique. Nous faisons de plus en plus face à des comportements irresponsables et menaçants, comme l’a montré le tir antisatellite russe effectué le 15 novembre dernier. Ces actions soulèvent des problèmes d’autant plus importants qu’ils ne correspondent pas aux discours de ceux qui en sont à l’origine.

 

Quant à notre discours, il est clair : la France et lEurope sont fermement opposés aux « saccageurs de l’espace ». Nous sommes pour une utilisation pacifique et responsable de l’espace, dans le respect du droit international. L’Union européenne doit se donner les moyens de préserver ses intérêts et doit s’opposer à ceux qui tentent d’imposer leur volonté. 

 

Pour y parvenir, la lucidité et la fermeté sont nos meilleures alliées. Céder à la naïveté, cela revient à nous tirer une balle dans le pied, tout simplement. Et je le dis en pensant à l’activisme insistant de la Chine et de la Russie sur le projet de traité relatif à la prévention du déploiement d’armes dans l’espace et de la menace ou de l’emploi de la force contre des objets spatiaux. Concrètement, c’est un traité qui aurait des conséquences juridiques contraignantes concernant la militarisation de l’espace. Mais contraignantes pour qui ? Pour ceux qui respectent le droit international, cest-à-dire pour nous, mais certainement pas pour nos compétiteurs stratégiques, si enclins à imposer des règles dont ils s’affranchiraient sans hésitation.

 

Les conflits sont asymétriques, c’est un fait du XXIe siècle, mais nous n’avons pas besoin de créer nous-mêmes de nouvelles asymétries et de nous-mêmes nous handicaper. C’est pourquoi nous avons coparrainé l’initiative britannique de résolution visant à définir et favoriser des « comportements responsables de l’espace ». Cette initiative a été largement adoptée : cest bien la preuve que nous pouvons agir. 

 

Et nous devons aller plus loin. Ainsi, dans le sillage de la Boussole stratégique, nous appelons à l’élaboration d’une stratégie de défense spatiale européenne, qui complètera la stratégie globale de 2016. Il y a deux semaines, lors de la ministérielle UE à Brest, nous nous sommes engagés à faire aboutir cette stratégie d’ici 2023. Et je veux redire ici la pleine implication de la présidence française pour que ce travail essentiel progresse rapidement.

 

Pour renforcer notre maîtrise de l’espace et améliorer notre résilience en cas de crise, je crois que nous avons trois priorités à satisfaire :

  1. Sur le plan diplomatique, tout d’abord, nous devons renforcer nos coopérations, que ce soit au sein de l’Union ou avec l’OTAN. Les Etats-Unis sont évidemment un allié naturel et essentiel sur ce sujet, dont nous avons aussi beaucoup à apprendre. La France travaillera au renforcement des liens entre l’Union européenne et l’OTAN, nous accueillerons d’ailleurs bientôt à Toulouse le centre d’excellence spatiale de l’OTAN.
  2. Sur le plan capacitaire, nous devons développer des moyens autonomes dans le domaine de la surveillance de l’espace et de l’accès à l’espace et rester dans la course des constellations de connectivité ; c’est une fierté de savoir qu’aujourd’hui, plusieurs projets de l’Union européenne y travaillent.
  3. Enfin, sur le plan opérationnel, nous devons être prêts à agir en cas de crise et prêts à agir ensemble.

 

Et ce sera tout l’objectif de l’exercice AsterX 2022 en mars à Toulouse qui sera mené en coopération avec les Européens, notamment avec les centres de surveillance spatiaux allemand et italien, et la « Task Force Espace » du Service Européen pour l’Action Extérieure. Des participants américains, allemands et italiens, ainsi que des observateurs de pays européens, anglo-saxons, ou de la zone Indopacifique ont été invités pour toute la durée de l’exercice.

 

J’ai invité le haut représentant Josep Borell, le commissaire Thierry Breton et le secrétaire général délégué de l’OTAN Mircea Geoana, à participer à la journée de restitution de cet exercice qui, j’en suis sure, viendra nourrir nos réflexions pour la future stratégie spatiale de défense et de sécurité de l’Union Européenne.


Nous avons une volonté commune de faire valoir les droits européens et de défendre nos valeurs dans l’espace. Soyez certains que la France y emploiera toute son énergie. Je vous remercie.




mercredi

Discours de Florence Parly - Colloque « Ethique de la puissance aérienne et de la maîtrise de l’espace » le 19 octobre 2021 à l'IRSEM

 

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                                                   Paris, le 19 octobre 2021




Général,

Monsieur le directeur de l’IRSEM,

Mesdames et messieurs les officiers généraux,

Mesdames et messieurs,

 

Je suis ravie d’être parmi vous aujourd’hui, pour constater tout l’intérêt que portent nos armées et nos chercheurs à la réflexion dans le domaine de l’éthique.

L’éthique est au fondement même de la raison d’être du militaire. L’éthique guide nos actions pour qu’elles respectent nos valeurs. C’est la boussole qui subsiste lorsque le droit disparaît.

C’est une boussole d’autant plus essentielle que certains champs de bataille ne sont encore que partiellement couverts par le droit international, et je pense notamment à l’espace. Elle est aussi d’autant plus importante à l’heure où beaucoup de compétiteurs stratégiques sur la scène internationale font le choix de s’écarter, de subvertir ou de nier le droit international.

L’asymétrie dans les conflits actuels est aussi une asymétrie éthique. Et au moment même où l’ennemi asymétrique s’affranchit des règles du droit et de la morale, menant une action par nature irrégulière, il pourrait être tentant de répondre avec les mêmes armes, d’en être, en quelque sorte, désinhibés.

Or, il n’en est rien, et il n’en sera jamais rien. Au contraire, il est d’autant plus important pour la France, et pour ses armées en particulier, de réaffirmer son attachement aux principes du droit international et au respect de la dignité humaine, de même que nous ne cessons, sur le plan diplomatique, de faire valoir l’importance du multilatéralisme.

Au passé comme au présent, sur chaque champ de bataille, sur chaque théâtre d’opération, ce que les armées défendent, c’est avant tout la liberté, notre liberté. Et il serait inimaginable de défendre cette liberté si chèrement acquise, notamment par le droit, en trahissant nos propres lois et nos propres valeurs.

Il est donc crucial, pour nous, de suivre scrupuleusement la déontologie propre au métier des armes. Il en va de notre crédibilité et de la légitimité démocratique.

J’en suis convaincue, la façon dont on combat dit beaucoup des valeurs que l’on défend. Et nous pouvons être fiers de la façon dont nos militaires combattent. Nous pouvons être fiers de la façon dont l’armée de l’air et de l’espace combat. Et ce colloque est une illustration de la volonté qu’ont nos forces armées d’être exemplaires et de se remettre en question à mesure que le monde et les armements évoluent.

Au cœur de l’essor de la puissance aérienne, il y a toujours eu la question de l’éthique. Les combats d’aviateur à aviateur menés dans les cieux par les As de la Première Guerre mondiale ont rapidement laissé place aux bombardements dévastateurs comme celui de Dresde en 1945, sans parler des attaques atomiques de Hiroshima et de Nagasaki.

La supériorité aérienne est si essentielle pour contraindre l’adversaire qu’elle a conduit en quelques décennies à une véritable course à l’armement aérien et à la performance des équipements.

75 ans séparent le premier avion de chasse Morane-Saulnier du Rafale, et quelle révolution entre les deux !

Aujourd’hui, chaque aviateur est ultra-connecté et dispose d’une capacité de feu inégalée, à des distances toujours plus importantes qui bouleversent les tactiques et même la stratégie militaire.

Mais fort heureusement, ce développement continu de puissance s’est aussi accompagné d’une maîtrise croissante de ses effets : la précision métrique est désormais la norme, le ciblage s’est perfectionné et les règles d’engagement adaptées à la situation opérationnelle et à l’objectif politique sont désormais inculquées au plus tôt dans la formation des équipages.

Il est essentiel que nous poursuivions dans cette voie. La France a fait la démonstration, en particulier pour l’arme aérienne, que l’émergence de nouvelles technologies et l’intégration poussée de l’innovation pouvaient être tout à fait être mises à profit de ses armées pour en assoir la supériorité opérationnelle, tout en restant totalement fidèle à ses valeurs. A l’inverse, d’autres puissances, qui bénéficient pourtant des mêmes avancées technologiques, n’ont pas voulu en intégrer les bénéfices et continuent d’agir par la force sans aucune dimension éthique ou morale. L’image des bombardements observés en Syrie illustre ce décalage dans les modes de combats. L’éthique dans la guerre est bien une question de volonté nationale.  La voie tracée par la France doit être poursuivie fermement, mais sans naïveté. Le débat sur l’éthique doit être porté en pleine conscience de ce qu’il induit pour nos armées face à des compétiteurs stratégiques désinhibés.

C’est dans ce contexte que j’ai souhaité doter le ministère des Armées d’un comité d’éthique de la défense. Ce comité, composé de 18 personnalités civiles et militaires, officiellement lancé en janvier 2020, est compétent pour traiter des questions posées par les technologies émergentes et leur emploi par l’Homme dans le domaine de la défense. Car aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de combattre sans renoncer à ce que nous sommes. Il s’agit de savoir quelles sont nos principes et nos lignes rouges face à des technologies qui sortiront l’homme de ses limites naturelles, alors que, jusqu’à présent, ces technologies ne faisaient que l’aider à repousser ces limites.

Avec l’apparition et l’emploi des drones armés, la question éthique s’est élargie à l’usage de la puissance aérienne à distance. Dans d’autres armées, cette puissance aérienne est parfois pilotée à plusieurs milliers de kilomètres du champ de bataille.

Sur cette question, la France a toujours eu une position inflexible : lHomme doit toujours rester en totale maîtrise de lusage de la force armée, et cest ce que larmée de lair et de lespace démontre au quotidien en opération au Sahel. La dimension éthique réside aussi dans l’environnement psychologique de nos opérateurs de drones : nos drones armés sont pilotés par des militaires qui sont basés sur le théâtre de l’opération où ces drones sont employés.

Parmi les défis éthiques qui attendent l’armée de l’air et de l’espace, je pense aussi à ceux qui arrivent avec le SCAF. Il ne s’agira plus simplement d’un avion de combat, mais d’un système de systèmes connectés avec plusieurs plateformes en réseau qui donneront une place importante aux technologies dernier cri, notamment l’intelligence artificielle, la connectivité évidemment et la furtivité. Au-delà de la furtivité, il y a aussi la question de l’hypervélocité qui constituera un défi supplémentaire pour garder l’homme dans la boucle.

L’intégration de ces technologies n’est pas une fin en soi mais répond bien à un besoin de supériorité opérationnelle. Demain, des effecteurs à distance démultiplieront notre action aérienne, dilueront notre présence dans les airs, satureront les défenses adverses, allongeront notre capacité de frappe. Mais l’humain demeurera toujours au cœur de sa mise en œuvre et de son emploi. Ce n’est pas incompatible, bien au contraire. C’est même une condition sine qua non de la capacité opérationnelle à bâtir et c’est bien pour répondre à ces questions qui n’ont rien d’évident, que vous êtes réunis aujourd’hui.

Je suis donc ravie de la tenue de ce colloque et j’attends beaucoup des travaux qui seront menés aujourd’hui. Car c’est bien le sens de ce colloque : susciter une nouvelle fois la réflexion, la compréhension des enjeux, leur bonne prise en compte au sein de l’ensemble des constituants de l’arme aérienne mais aussi dans les affaires spatiales.

Alors que nos armées sont fortement engagées et sollicitées pour protéger les Français, prendre du temps pour la réflexion sur l’éthique est salvateur. Ce sont des réflexions qui sont aussi essentielles pour bâtir nos capacités futures que celles qui consistent à optimiser notre efficacité opérationnelle. L’éthique occupe une place de choix dans la check list de la préparation de l’avenir.

C’est aussi un plaisir de constater que ce moment de réflexion ne fait pas dans l’entre soi des aviateurs, des combattants. De nombreux intervenants aux parcours et compétences variées sont présents, des praticiens et des chercheurs de plusieurs disciplines, certains venant de l’étranger. Et je ne peux que vous féliciter de la richesse des débats à venir.

Ce colloque complètera le travail mené par le comité éthique. Comme vous le savez, le comité d’éthique de la défense, unique dans son genre et sans équivalent dans le monde, a déjà rendu deux avis sur le soldat augmenté et les système d’armes létaux intégrant de l’autonomie. Il mène actuellement de nouveaux travaux sur « L’éthique dans la formation des militaires » et « L'environnement numérique du combattant », deux sujets qui « parlent » à nos aviateurs.

Cette étroite collaboration entre le Centre d’enseignement supérieur aérien et l’Institut de recherches stratégiques de l’Ecole Militaire ne peut qu’être bénéfique à l’armée de l’air et de l’espace et à la réflexion éthique au sein de nos armées. Je tiens donc à remercier vivement le général Sabéné et Jean-Baptiste Jeangène Vilmer pour leur initiative.

Le Centre d’Enseignement Supérieur Aérien a un rôle essentiel pour la formation et à la recherche pour le domaine de l’Air et de l’Espace. A présent qu’elle a pleinement intégré la dimension spatiale, l’armée de l’Air et de l’Espace se doit d’ajuster ses pratiques à l’aune de sa responsabilité dans ce nouvel espace d’affrontement.

Quant à l’IRSEM, l’institut de recherches stratégiques de l’Ecole Militaire, il contribue à la réflexion constante des armées sur l’éthique, entre bien d’autres sujets, à la fois théoriques et géopolitiques, et éclaire la voie.

Le CESA et l’IRSEM, j’en suis convaincue, forment une équipe qui gagne. Une équipe qui saura élever le débat, apporter des réponses aux questions qui émergent et qui saura « faire face » à tous les défis que lavenir nous réserve.  

Je vous souhaite donc de fructueux échanges pour que s’enrichissent toujours les principes éthiques qui font l’honneur de la France.

Vive la République ! Vive la France !


(d'après communiqué de la DICOD)