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lundi

Prolifération méconnue des bases militaires US

In "Le Canard enchaîné » – mercredi 13 juin 2018 – p. 3


Des forces spéciales à l’œuvre dans 90 pays 
et 800 implantations de par le monde :
l’Amérique impériale n’est pas née sous Donald Trump

JIM MATTIS, l’ancien général devenu patron du Pentagone, vient de demander au chef d’état-major interarmées, Joseph Dunford, un rapport sur le rôle joué par les forces spéciales américaines. Comme cette réflexion concerne plusieurs milliers de commandos évoluant dans les contrées les plus diverses, il s’agit d’une stratégie d’influence et de contrôle.
          Aujourd’hui, en effet, 7 500 membres des forces spéciales – sur un total de 60 000 – sont engagés sur le territoire de quelque 90 Etats étrangers, pour y mener des actions clandestines ou former des combattants à leur image. Et encore, ces effectifs sont en baise : voilà dix ans, 13 000 de ces commandos parcouraient le monde à la demande du président Obama.
          Bien entendu, certains pays n’hébergent qu’un petit nombre de ces experts en renseignement et, à l’occasion, en coups tordus. Exemple : plus de 1 200 de ces combattants très spéciaux sont actuellement à l’œuvre dans une trentaine d’Etats africains, sous l’autorité du haut commandement des forces américaines en Afrique (Africom), hébergé à Stuttgart, en Allemagne.
          A Paris, au siège de la Direction du renseignement militaire, un analyste mentionne une autre preuve du comportement impérial des occupants de la Maison-Blanche : la Grande Amérique entretient 800 bases militaires – il n’y a pas ici un zéro de trop… – dans 70 pays. Là encore, l’importance et la superficie de ces bases sont parfois réduites, mais elles ont le mérite d’exister, en cas de besoin…

Les chéris du Pentagone
          Le chef du Pentagone, qui réfléchit à l’avenir et au financement de ses 7 500 commandos chéris, aurait-il l’intention de limiter leur présence à l’étranger ? Rien n’est moins sûr, selon les officiers français qui ont accès au Pentagone (ou aux bavardages de ses occupants). Jim Mattis a plutôt l’intention de leur demander davantage de missions opérationnelles. Et de ne plus les charger de former et d’entraîner des combattants locaux, un rôle qui serait dès lors réservé aux militaires US « non spéciaux ». Pour tenir compte, par exemple, du rôle joué en Syrie, en Crimée ou en Ukraine par des forces spéciales ou par des mercenaires russes.
          Diplomates et militaires français ne sont pas surpris de ces récentes initiatives prises par Jim Mattis. S’ils ignoraient, le plus souvent, ce surprenant décompte des bases américaines, ils savaient que le patron du Pentagone était devenu un acteur incontournable en matière de stratégie et de relations internationales.
          Lors de la réunion, les 7 et 8 juin à Bruxelles, des ministres de la Défense des membres de l’Otan, Jim Mattis, qui, à la différence de son président, s’était prononcé en faveur du maintien de la signature américaine au bas de l’accord nucléaire avec l’Iran, a déclaré qu’il « était prématuré de parler de guerre commerciale [et qu’il convenait] d’améliorer les relations avec la Russie [car] cela reste une priorité, même si ça n’est pas facile ».
          Les 11 et 12 juillet, toujours à Bruxelles, se tiendra un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des pays de l’OTAN. On y parlera, peut-être, des 300 Américains et des bombardiers modernes F-22 que la Maison-Blanche et le Pentagone ont envoyés faire une démonstration de « présence » au Japon. Ou des blindés, dont une centaine de chars lourds Abrams (70 tonnes), venus participer, en juillet, à des manœuvres en Roumanie et en Pologne. Histoire de rassurer ces alliés des Etats-Unis et de faire râler Poutine.

Le Qatar candidat à l’Otan
          Ces chefs d’Etat, qui viennent de s’affronter – un peu, mais jamais passionnément – lors de la réunion du G7, la semaine dernière, au Canada, évoqueront-ils l’insolite demande du Qatar ? Le ministre de la Défense de ce riche émirat vient de demander à l’Otan d’accepter son pays comme « membre à part entière ».
          Les menaces de l’Arabie saoudite troublent en effet le sommeil de la famille pétrolière régnante. Le Qatar a pourtant déjà signé un accord de sécurité avec l’Otan, il héberge le Central-Command, l’état-major américain pour le Moyen-Orient et l’Asie, plus une base aérienne d’où décolle une bonne centaine d’avions de combat US. Et ces pauvres princes tremblent encore ?
Claude Angeli ■