Le rapport thématique 2017 du Haut comité d’évaluation de la condition militaire a été remis récemment au gouvernement et la presse française en a fait largement écho. Néanmoins, je vous propose de revenir sur quelques points.
Tout d’abord, il convient de rappeler que le HCECM a été créé par l'article 1er de la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, devenu l’article L4111-1 du code la défense, le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) a pour mission, aux termes du décret n° 2005-1415 du 17 novembre 2005 précisant ses attributions, « d'éclairer le Président de la République et le Parlement sur la situation et l'évolution de la condition militaire (…). Les neuf membres qui le composent sont :
- Bernard Pêcheur, Président de section au Conseil d’État (Président)
- Monsieur Francis Lamy, Conseiller d’État, président adjoint de la section de l'Intérieur du Conseil d'État (Vice-Président)
- Amiral (2e section) Pierrick Blairon, ancien major général des armées, ancien conseiller maître en service extraordinaire à la Cour des Comptes
- Madame Martine de Boisdeffre, Conseiller d’État, présidente de la section du rapport et des études du Conseil d'État
- Madame Isabelle Delarbre, Directeur projet Senior, groupe Total
- Monsieur Dominique Olivier, Chef d’entreprise
- Madame Véronique Rouzaud, Directrice des ressources humaines Europe du sud de la société Amazon
- Monsieur Jean-Luc Tavernier, Directeur général de l’INSEE, membre de droit (Représenté par Monsieur Pascal Rivière, Chef de l’inspection générale de l’INSEE)
- Général d’armée (2e section) Bernard Thorette, ancien chef d’état-major de l’armée de terre, Conseiller d’État honoraire
Le secrétariat général est assuré par le Contrôleur général des armées Olivier Maigne.
Selon les termes mêmes de ce 11e rapport, le Haut Comité a décidé de consacrer le rapport thématique de cette année à la fonction militaire dans la société française. Pour mener à bien ses travaux et alimenter ses réflexions, le Haut Comité a procédé à l’audition de 22 autorités et personnalités civiles et militaires. Il a pu, en outre, avec l’autorisation du chef d’état-major des armées (CEMA) et du directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) et l’entier concours des chefs des unités concernées, effectuer 9 visites d’unités sur le terrain, 4 immersions de plusieurs jours dans les forces armées et 2 séquences de travail avec des auditeurs du centre des hautes études militaires (CHEM) et des stagiaires de l’école de guerre, à l’occasion desquelles les membres du Haut Comité ont pu s’entretenir très librement avec près de 300 militaires, dans le cadre d’entretiens collectifs ou individuels. Toutes les fois où cela a été possible, des tables rondes ont été organisées avec des conjoints de militaires. C’est pour dire que ce rapport est le résultat d’un travail sérieux et documenté.
Le HCECM précise, avant toute chose, que le sens profond de l’état militaire est « que les soldats français acceptent de mourir au combat sur ordre de leurs chefs, que ces chefs assument la responsabilité d’ordres pouvant conduire des camarades à la mort, que les uns et les autres peuvent, lorsque la mission l’exige, frapper l’ennemi et le tuer. » Il était important de le repréciser à l’heure où certains se posent des questions sur les « avantages » dont bénéficieraient les militaires alors que d’autres s’engagent dans l’armée de réserve sans toujours percevoir ce sens profond….
Parmi les nombreuses observations du rapport, l’une est particulièrement intéressante puisqu’elle concerne l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale. En effet, le HCECM relève que la cohésion des élites de la Nation et leur aptitude à appréhender les questions de défense et de sécurité nationale constituent un enjeu majeur. « La vocation de l’institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) est à cet égard irremplaçable puisqu’il rassemble des responsables civils et militaires, élus et chefs d’entreprise et contribue à diffuser les connaissances sur la défense et à entretenir l’esprit de défense. Ses réseaux d’auditeurs pourraient toutefois être plus actifs. »
En matière d’éducation à la défense, le HCECM rappelle que plusieurs protocoles ont été signés entre le Ministère des Armées et le Ministère de l’Education nationale. Le dernier, développant les liens entre la jeunesse, la défense et la sécurité nationale, date du 20 mai 2016 et couvre, en plus de l’enseignement supérieur et de la recherche, le ministère de l’agriculture. Il ouvre le champ de l’enseignement de la défense à la sécurité nationale, prévoit la formation des enseignants, sans la rendre obligatoire, et consacre l’importance du travail des trinômes académiques190 composés de représentants du rectorat, des autorités militaires et de l’association régionale de l’IHEDN. La mise en œuvre d’actions de formation des enseignants ou d’éducation à la défense des jeunes donne globalement d’excellents résultats mais elle repose sur la bonne volonté et l’enthousiasme d’une minorité d’acteurs. Toutefois, il m’est déjà remonté que certains de ces acteurs enthousiastes ont des difficultés au sein de leurs établissements pour assurer l’éducation à la Défense le plus souvent pour des raisons idéologiques.
Le HCECM estime qu’il « convient de poursuivre les efforts engagés par le ministère des armées (DGA, direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS)…) pour renforcer les liens avec les étudiants qui ont choisi de faire des études liées à la défense et à la sécurité. Il y a là un rôle important que des militaires (d’active ou en retraite) peuvent jouer et qui pourrait leur être confié par les présidents d’université (enseignement, suivi de mémoires de master ou de thèses). »
Le service militaire a assuré, jusqu’à sa suspension, une acculturation aux problématiques de défense et de sécurité des Français appelés à exercer des responsabilités dans l’administration de l’État ou dans le secteur privé. Avec la fin du service militaire actif, remplacé par une journée Défense et Citoyenneté (JDC), le HCECM pose la question de ceux qui seront amenés à exercer des responsabilités au sein de l’État, et en particulier de ceux qui, de par leurs fonctions, seront amenés à prendre des décisions en matière de défense et de sécurité ou à participer à leur élaboration. C’est pourquoi le HCECM propose d’« Instaurer dans le cursus de l’ENA et de l’ENSP une obligation de service militaire d’une durée significative incluant une période de formation en qualité d'élève-officier suivie d'une période de service dans une unité militaire. » ce qui, à mon avis, se rapprocherait beaucoup de ce qui se fait au Luxembourg où nul ne peut rentrer au service de l’Etat s’il n’a pas fait son service militaire…
Il est vrai que le Livre blanc de 2013 désignait l’esprit de défense « comme une priorité et donnait à l’IHEDN un rôle moteur dans le renforcement de l’enseignement de défense qui doit « s’adresser aux générations qui n’ont pas effectué de service militaire208 ». Pour conduire ses actions, l’IHEDN peut s’appuyer sur un riche réseau d’associations d’auditeurs qui contribuent, en région et au niveau national, à l’enrichissement des débats sur les questions relatives à la défense nationale. » Le HCECM estime, toutefois, que « l’investissement consacré à former annuellement une soixantaine d’auditeurs nationaux non militaires et de nombreux auditeurs régionaux n’est pas autant « rentabilisé » qu’il le devrait. En effet, cette mission de partage des connaissances sur la défense, qui impose d’ailleurs pour chacun des auditeurs un suivi et une mise à jour périodique, n’est remplie que par une minorité d’entre eux. »
N'en déplaise aux membres du HCECM, l’avis formulé sur l’IH n’est pas dénué de fondement mais j’observe, par ailleurs, que le directeur de l’Institut, contrairement au directeur de l’IRSEM, n’a pas été auditionné par le Haut Comité ni même, du reste, le Président de l’Union des Associations ou le Président d’une Association… Or, les AR assument le rôle qui leur est imparti. Si je prends l’exemple de l’AR 10 (Association Régionale de Franche Comté), je note qu’outre les conférences mensuelles, sur les thèmes de la Défense dans son acception la plus large, elle organise des visites ou participe, comme organisateurs ou en envoyant des intervenants, à des congrès internationaux comme le Forum de Cybersécurité de Sibiu (Roumanie) ou à celui de Porrentruy (Suisse). Je suis certains que d’autres AR organisent ou participent également à ce type d’évènements.
Il me semble, toutefois, que dans la droite ligne des recommandations du HCECM, les AR devraient se rapprocher des Instituts régionaux d’administration, de l’Institut National des Etudes Territoriales, ou des centres départementaux de la fonction territoriale pour proposer un module « Défense » avec une immersion au sein d’une unité militaire ou d’un centre de recrutement afin que même au niveau local la Défense soit mieux comprise et le fait militaire mieux appréhendé.
Il ne s’agit que de quelques observations portant sur une toute petite partie du rapport et je vous engage à le lire entièrement, y compris les annexes qui vous apprendront, par exemple, que l’effectif total de nos trois armées est de 207.265 hommes (y compris les gendarmes encore rattachés au Ministère des Armées) ou l’annexe 7 qui vous servira dans la vie quotidienne à mieux comprendre vos collègues, vos amis et même vos enfants…. !
Pascal Tran-Huu