Le
26 octobre, faisant suite aux nombreuses manifestations des
policiers, le ministre de l’Intérieur a évoqué, aux
organisations syndicales représentatives de la Police Nationale,
mesures et avancées permettant d’améliorer le fonctionnement et
la crédibilité des forces de l’ordre. Certaines ont des
répercussions sur les forces armées engagées sur le Territoire
National. Parmi les trois avancées majeures annoncées lors de cette
réunion, les
conditions d’évolution de la légitime défense vont être de
nouveau examinées, afin de protéger au maximum les forces de
l’ordre, dans un cadre juridique scrupuleusement conforme à notre
Etat de droit.
Ces
évolutions intéressent forcément les unités des armées engagées
actuellement sur l’opération « Sentinelle » depuis les attentats
de janvier 2015. Il n’y a pas que les forces de l’ordre qui
doivent être protégées juridiquement ; les 10 000 soldats,
essentiellement de l’armée de terre, engagés depuis presque deux
ans sur le Territoire National, sont confrontés aux mêmes
problématiques d’ouverture du feu que les forces de l’ordre.
Dans son rapport réalisé au nom de la commission d’enquête
relative aux moyens mis en œuvre par l’Etat pour lutter contre le
terrorisme (suite aux attentats du 13 novembre 2015), le président
de cette commission note que, au moment de l’attaque du Bataclan,
les quatre militaires de l’opération « Sentinelle » n’ont pas
été autorisés à être engagés par la préfecture de police de
Paris ; celle-ci a pu dire aux forces de police : « Négatif,
vous n’engagez pas les militaires, on n’est pas en zone de guerre
».
Les
militaires n’avaient pas, par ailleurs, reçu l’ordre d’ouvrir
le feu. Si, dans un cas aussi dramatique que cet attentat terroriste,
ayant causé près de cent décès et plus de deux cents blessés, la
légitime défense n’est pas possible pour ces militaires présents
sur le lieu de l’attentat, on peut se poser la question de
l’efficacité de cet engagement massif de l’armée de terre. On
peut espérer que ces travaux de révision du statut juridique de la
légitime défense qui vont être réalisés entre le ministère de
l’Intérieur et celui de la Justice, vont concerner aussi le
ministère de la Défense. En effet, les unités de l’armée de
terre peuvent devenir des « forces
primo-intervenantes »
en allant au contact de terroristes déterminés, organisés et
fortement armés ; il convient d’élaborer une meilleure garantie
juridique pour que le soldat soit couvert en cas de tir lors d’un
attentat comme celui du Bataclan, ou lors d’une attaque d’un site
gardé par les militaires.
Une
autre mesure, annoncée lors de cette réunion, doit
permettre de recentrer les missions des forces de l’ordre sur leur
cœur de métier en les débarrassant enfin de nombreuses tâches
indues qui mobilisent inutilement du temps et des hommes. Pour cela,
de nombreuses gardes statiques de bâtiment publics, en particulier
devant les préfectures et les tribunaux, vont être remplacées par
des gardes dynamiques, mobilisant moins de troupes et permettant
d’agir dans un rayon élargi. La reprise de la mission de garde
statique par des sociétés de gardiennage pourra être envisagée.
Là encore, se
pose cette problématique de « gardes statiques » des unités de
Sentinelle, devant des écoles, des bâtiments de cultes, des
bâtiments privés.
Comme
l’opération « Sentinelle » dure depuis presque deux ans, les
unités de l’armée de terre souhaitent être engagées dans des
postures propres à leur savoir-faire et à leur spécificité et non
pas dans des postures prévues pour des sociétés de gardiennage ;
dans un rapport d’information de l’Assemblée Nationale paru cet
été, encore 75 % des forces armées de l’opération « Sentinelle
» seraient engagées sous forme de gardes statiques. L’idéal
souhaité et demandé par tous les militaires est que la surveillance
et la protection des différents sites sensibles soient réalisées
dans le cadre d’un contrôle de zone, mode d’action que toutes
les forces terrestres maîtrisent remarquablement bien. Il est temps
que, comme les préfets le font lors des réquisitions d’unités
militaires pour des catastrophes naturelles, les autorités de
l’Intérieur demandent aux responsables des forces terrestres les «
effets à obtenir » pour tel ou tel site plutôt que des moyens à
mettre en place ; il est aussi urgent de laisser de l’initiative
aux chefs de groupement qui, fort compétents, ont l’habitude de
planifier et de conduire sur les théâtres extérieurs des
opérations d’une autre ampleur dans des situations opérationnelles
fort complexes.
Comme
les mesures du plan d’amélioration de la sécurité publique du
ministère de l’Intérieur doivent être concrètement appliquées
avant la mi-décembre, les modalités d’emploi des forces
terrestres pour l’opération « Sentinelle », évoquées
précédemment, devraient être revues dans les mêmes délais.
Tout
le monde reconnait que les soldats de la force « Sentinelle » font
preuve d’une grande maîtrise de l’emploi de la force et montrent
de grandes qualités professionnelles. Que les responsables de la
sécurité intérieure leur fassent confiance et les utilisent au
mieux de leur compétence !
GDI
(2S) Michel Klein, président de la Fédération des Soldats de
Montagne.